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L’Horizon

28 avril 2010
Posté Agenda, Fiori
de Clément Bénech

« C’est là qu’on voit que Modiano aime beaucoup le romanesque », pharmacy disait Bernard Pivot en 1984 dans son émission Apostrophes, cialis au moment de la sortie en librairie de Quartier Perdu. À cette époque, cialis on se permettait encore l’erreur d’écrire « Mondiano » dans sa bibliographie en fin d’ouvrage et de parler du livre « Les Boulevards de la ceinture » au lieu des fameux Boulevards de ceinture. Près de vingt-cinq ans après, l’auteur n’a pas changé : Modiano fuit toujours autant les interviews et les télévisions, à part celles de quelques journalistes qui ont ses faveurs. Sauf qu’il est à présent une véritable star, autant qu’une énigme dans le paysage littéraire français ; rares sont encore ceux qui le confondent avec Modigliani ou le photographe Jean-Baptiste Mondino. Le 4 mars 2010, son nouveau roman L’Horizon sortait dans toutes les librairies. Patrick Modiano, nous avait prévenu Gallimard, y raconte l’histoire tissée entre Paris et Berlin d’un homme, Jean Bosmans, qui note dans un carnet des souvenirs de jeunesse et tente de retrouver une femme. De Berlin pourtant, point, à part les quelques dernières pages. En revanche, il est question de la Suisse.

La plupart des critiques se sont plu à dire que Modiano s’intéressait dans L’Horizon à « ce qui aurait pu être, mais qui n’avait pas été ». En vérité, c’est presque attribuer trop de « sujet » à Modiano, dans un livre qui est tellement Modiano que l’intrigue a peu d’importance, somme toute : on y aime l’atmosphère créée. Car on suppose cet auteur peu enclin à se pencher sur des livres théoriques qui traitent du réalisme modal… Quoique ? Peut-être s’est-il – comme son personnage Jean Bosmans qui travaille dans une librairie ésotérique, réplique de la librairie Véga de Dans le Café de la jeunesse perdue – intéressé à l’occultisme, à l’astronomie ? Il appert que les allusions à cette problématique modale restent marginales, secondaires, et on en viendrait presque à croire que l’auteur les a insérées pour donner aux journalistes quelque viande à croquer – lui qui a si peur de déranger.

Difficile, chez Modiano, de parler de personnages ; tous sont plus ou moins des avatars de l’auteur, même les personnages féminins. Dans L’Horizon, on sourit lorsque l’on lit que Bosmans « a écrit plus d’une vingtaine de livres » et lorsqu’on voit ce genre de tours de passe-passe : « Bosmans avait encore pensé que le destin insiste quelquefois. » Suivez mon regard. À ce sujet, il est intéressant de noter que c’est véritablement le premier roman de Modiano écrit à la troisième personne du singulier. Les habitués pourront en être dérangés, voire refermer le livre abruptement en trouvant que la « petite musique » en a pris un coup. Car ceux-ci pourront avoir, au début, du mal à accepter l’illusion. Cette écriture un peu mensongère se révèle par de légers lapsus calami à la fin du roman : il arrive que tout à coup, le récit passe à la première personne. Mais évitons les termes psychanalytiques : Modiano refuse la cure, « ce serait comme si on réveillait un somnambule », explique-t-il. Il avoue avoir écrit son roman par parties puis avoir recollé les morceaux, avec de la colle invisible. Avouons-le lui, on voit un peu les soudures, mais elles tiennent. Nous savons que les sauts dans le temps lui sont caractéristiques.

Oui, il est difficile de juger une nouvelle facette de la « petite musique » ultracélèbre, à telle enseigne que l’on pourra penser au début du livre à une sorte d’autopastiche de Modiano, une parodie absurde. Puis, à y regarder de plus près, on comprend que L’Horizon est la juste continuité d’une œuvre toujours en marche, qu’il est tout bonnement modianesque : bagages pas défaits, trio autoritaire et fantomatique, discours direct libre (que définissent comme barbarisme les mêmes universitaires qui encensent Modiano), filatures, cahier de moleskine, plus-que-parfait intangible, rencontres absurdes notamment avec les figures hyperboliques des parents – dont une mère gonflée, poussée à l’extrême -, et les tropes qu’on ne comprend pas (« l’homme vêtu de noir dont on hésitait à dire s’il avait l’allure d’un prêtre défroqué ou d’un faux torero »). Pour tout cela, on lira avec plaisir L’Horizon.

Patrick Modiano, L’Horizon, 174 pages, Gallimard.



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