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Parfums et légendes de Ligurie

20 mai 2010
Posté Opinions
de Marie Tiepolo

7h du matin, for sale une cloche carillonne dans le lointain, online son tintement parvient à mon oreille comme un heureux messager. Avec lui la tiédeur aigre-douce d’une senteur marine arrive définitivement à me convaincre à me lever du lit. « Il est 7h la Ligurie s’éveille », j’oserai dire en paraphrasant Jacques Dutronc, car le meilleur moment pour cueillir toute la subtilité de cette fine langue de terre, trait d’union entre la France et la Toscane se tient en une poignée d’insaisissables secondes entre la fin de la nuit et la naissance de l’aube.

C’est une légère brise qui s’infiltre à travers mes volets verts, m’apportant l’odeur du poisson frais à peine pêché. La pêche a été bonne cette nuit et, incroyable ! un poulpe immense dont chacun des tentacules fait 1 m de long est le trophée d’un vieux loup de mer, qui le montre fier à tout son entourage. On raconte que dans des temps lointains, les habitants du village furent réveillés en pleine nuit par le son de la cloche de l’église qui tintait de toutes ses forces. Trois navires de pirates sarrasins se profilaient à l’horizon. Vite ! il fallait se mettre à l’abri et cacher ses richesses. Mais qui avait donné l’alarme à une heure aussi tardive ? De son clocher, la cloche avait roulé le long de la falaise pour échouer sur un rocher. Et miracle ! Une pieuvre s’était improvisée en sonneur de cloche et tirait, tirait sur la corde, pour alerter la population du danger imminent. Tel Quasimodo avec son Esmeralda, ce monstre marin au profil répugnant, avait sauvé le village.

Car dans la région on n’est pas avare de légendes et de magie. Le bourg de Triora par exemple, dont les maisons s’accrochent au sol rocheux comme si elles étaient prêtes à s’écrouler d’un moment à un autre, en sait long sur … les sorcières et les magiciens. On raconte en effet que des sorcières aux chapeaux pointus se retrouvent encore le samedi soir, non pas pour y tenir de sabbats infernaux mais pour s’échanger les recettes de potions et de filtres fantasques fait à base de foi de vipère, moustaches de souris et graines de grenades. Malheureusement leurs atouts ne furent pas toujours appréciés et entre 1587 et 1589 l’Inquisition fut rude dans cette région.

De même au large des côtes d’Albenga une cargaison marchande d’époque romaine a été retrouvée dans les années 1950. Plus de 1000 amphores d’huiles et de vins rares emplissaient la coque de la galère. Aujourd’hui les vestiges sont exposés au Musée de la ville. Et si ce navire avait transporté encore quelque chose ? Quelque chose de très précieux, qui n’a encore jamais été retrouvé ? Pièces d’or et pierres précieuses pourraient se trouver enfouies au fond de la mer, à quelques centaines de kilomètres à peine de la côte. Avis à ceux qui se reconnaissent une âme d’explorateur, une mission est sérieusement à envisager.

Pour la troisième fois, une autre senteur parvient à moi, telle un serpent qui se faufile entre la brousse. Cette fois-ci il s’agit de l’arôme qui sort de four du boulanger et qui se répand pèlerine, dans l’entrelacs d’étroites venelles, les carugi caractéristiques du tissu urbain des villes ligures. Et en Ligurie, récits et légendes ne s’arrêtent pas aux portes des cuisines… En croquant dans la farinata, cette fine galette de pois chiches chaude et parfumée, on a du mal à croire qu’il s’agit d’un hasard culinaire qui est à l’origine de sa recette. C’est en effet un légionnaire romain qui aurait oublié sa ration de pois chiches sur son bouclier par une nuit de pluie. Réduit d’abord en bouillie, cette sorte de purée sécha au soleil et donna une des plus exquises galette qu’il existe. Savoureuse et croquante, la farinata est aujourd’hui une pitance régionale appréciée tant par son goût que par sa belle couleur dorée.

On pourrait raconter l’histoire de la Ligurie de la nuit des temps à nos jours uniquement en se laissant guider par son nez. Le bouquet d’odeurs, de senteurs et d’effluves plus ou moins parfumés ont accompagné chaque instant de son histoire en se métamorphosant souvent en récits légendaires. Je laisse aux plus curieux le soin de les découvrir et aux plus perspicaces le soin d’en cueillir la quatrième dimension.



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