L’artisan des vitrines Haussmann
Posté Attualità, Fiori, Portraits
de Laurence Yème
Chaque année, à l’approche de Noël, les vitrines du boulevard Haussmann attirent une foule inconsidérée de rêveurs, grands et petits enfants. Derrière la féérie de ces vitrines, un homme, et sa toute petite équipe, qui depuis près de quarante ans donne vie aux objets les plus fous. Pour vous, j’ai rencontré Jean-Claude Dehix.
« Je suis marionnettiste à fils. J’ai joué avec des marionnettes toute mon enfance ! Mon père était marionnettiste, dans l’univers du music-hall. Lorsqu’il a vu que le métier m’intéressait, il m’a poussé à faire du dessin industriel pour pouvoir aller plus loin. J’ai commencé à travailler avec lui, avant de prendre mon indépendance, tout comme l’a fait mon fils.
Comment travaillez-vous sur des vitrines comme celles du boulevard Haussmann ?
La thématique m’est en général imposée par l’enseigne. Par la suite, je travaille en collaboration avec un directeur artistique, les ateliers de couture et de créateurs à qui je donne des recommandations techniques. Avec ma petite équipe, j’élabore les animations, à partir d’un mécanisme complexe qui actionne les fils de nylon qui animent les objets. A l’ atelier, il faut concevoir l’intégralité de l’animation, avant d’aller l’installer dans la vitrine en à peine plus d’une journée. J’ai avec moi une petite équipe de trois à quatre personnes dont ma propre fille. Elle est mon assistante, mon bras droit, ma main gauche…
Avec plus de 35 ans de métier, le mouvement des objets est-il désormais une évidence ?
J’ai toujours été attirée par les bandes dessinées, les histoires de « Caroline ». Ce sont les postures des personnages qui me fascinent. Il faut être très vigilant à respecter la nature du squelette. Un genou plié à l’envers, il s’en faut de peu pour qu’un mouvement ne soit plus réaliste ! En un coup d’œil je sais voir ce qui est possible et réalisable. Sinon j’utilise une attelle de marionnettiste pour tester des mouvements. J’aime le mouvement. Le moment où l’on attache les fils et où l’on met en place les objets. Si j’ai aujourd’hui mes repères, il faut parfois y aller à tâtons et cela prends du temps. La partie mécanique est en revanche un peu rébarbative.
Tout est possible ? Tout est réalisable ?
On m’impose toujours de nouveaux défis. J’ai bien fait faire la danse du ventre à des couscoussières… Il n’y a que le rigide qui ne m’amuse pas trop. Animer des Lego ne rendrait pas grand chose. Chaque année, on avance vers des mouvements plus complexes et plus rapides. Cela entraîne une usure considérable du matériel. Cette année, les poupées russes du Printemps vont parcourir plus de 700 km en dansant ! En période d’exposition, je vérifie chaque jour l’état des fils, des mécanismes, des accessoires. C’est moi le premier spectateur. Il faut que ça me plaise et que tout soit parfait. Il paraît que je suis assez pointilleux…
Vous travaillez pour des enseignes concurrentes. Comment arrivez vous à concilier et différencier leurs vitrines ?
Je crée pour le Printemps depuis 35 ans. Je m’y sens chez moi et je bénéficie d’une grande liberté ! Ils me font totalement confiance. D’un commun accord, les Galeries Lafayette ont finalement fait appel à moi, depuis vingt ans, n’ayant trouvé ailleurs un artiste ayant mes techniques et mon expérience. Je travaille dans le secret et je veille à observer deux styles bien différents dans la mise en place des vitrines et dans l’émotion. Au Printemps, il y a toujours eu beaucoup d’humour, j’y vais de ma personnalité. Aux Galeries Lafayette, c’est plus poétique, je me laisse guider davantage. Une année où je devais réaliser les vitrines des quatre grandes enseignes parisiennes (Printemps, Galeries Lafayette, Bon Marché, Samaritaine), toutes avaient choisi le même thème. C’était incroyable ! J’ai exceptionnellement du le signaler mais toutes ont souhaité le conserver. C’était « les chats sur les toits », que j’ai donc décliné dans quatre styles. C’était superbe !
Et cette année sur le boulevard Haussmann ?
Les créateurs Jean-Paul Gaultier, Kenzo, Zadig et Voltaire, Marc by Marc Jacobs, Maje et Manoush ont vêtu les personnages du « Noël gourmand » des Galeries Lafayette. Le Printemps honore l’année de la Russie en France, avec de traditionnelles poupées, revisitée par Chanel et Dior.
Comment appréhendez-vous ce succès depuis des années, à travers le monde?
Je suis ravi mais la place de l’artiste est derrière ses marionnettes. C’est là que je suis le plus à l’aise, c’est là l’âme du marionnettiste ! Mais le plus amusant c’est encore de se fondre dans la foule devant les vitrines et d’écouter ce que disent et ressentent les gens. C’est tellement enrichissant !
RETROUVEZ ses créations
Dans les vitrines du Printemps et des Galeries Lafayette, boulevard Haussmann, 9e jusqu’au 31 décembre 2009.
Au village de Noël de Gagny (93) du 23 novembre au 3 janvier 2010
Au parc d’attractions de la mer se sable, Ermenonville (60) www.merdesable.fr